Le lâcher-prise est la porte ouverte à l’énergie d’amour, cette force de vie qui transforme le regard que vous posez sur la situation problématique et sur les difficultés que vous rencontrez, et qui vous permet ainsi d’entrer plus facilement dans l’acceptation, la tolérance, le non-jugement et le pardon.
Comme tout va de plus en plus vite dans le monde extérieur, avec des sources de stimulations toujours plus nombreuses, la tendance à se laisser déporter hors de soi-même est de plus en plus forte. Notre attention étant maintenue en périphérie de nous-mêmes, nous perdons de vue la chose la plus essentielle qui soit : notre réalité intérieure.
Vécue hors de nous-mêmes, notre existence se désacralise. Elle devient superficielle et en notre cœur, notre âme se meurt, sous le poids des réflexes conditionnés qui nous font réagir comme des robots préprogrammés, prisonniers de schémas de pensées qui imposent un voile d’occultation sur la réalité du vivant. Nos réactions conditionnées nous maintiennent dans la dimension mentale. Que la cause du problème soit observée à l’extérieur ou en nous-mêmes, nous restons dans l’interprétation et dans l’analyse.
Nous jugeons, blâmons, culpabilisons, accusons, rejetons, condamnons et pendant ce temps, la vérité du vivant est passée sous silence, réprimée, refoulée derrière ce voile mental auquel nous nous identifions machinalement.
Si nous nous laissons vivre dans le déséquilibre et la contradiction, comment pouvons-nous créer de l’équilibre et de l’harmonie à l’extérieur ? Tout prend racine à l’intérieur de soi. La transformation passe donc par une révolution individuelle en premier lieu, et chacun entre nous est pleinement responsable de la tonalité intérieure qu’il décide d’émettre à chaque instant, par son état d’esprit.
C’est ici que le lâcher-prise entre en ligne de compte. Prenons un exemple concret.
Nous sommes confrontés au comportement d’une personne qui nous exaspère par son manque de respect. Immédiatement, nous réagissons selon nos conditionnements : nous jugeons cette personne et sommes en colère. À partir de cet état d’esprit, nous nous laissons déporter vers cette personne et concentrons toute notre attention sur elle. Nous lui faisons clairement comprendre qu’elle est la cause de notre réaction et qu’elle doit changer de comportement pour éviter que l’on doive subir l’état émotionnel dont elle a été le déclencheur. En plus de cela, nous lui faisons comprendre que c’est une mauvaise personne et la faisons culpabiliser. Nous dépensons beaucoup d’énergie pour nous faire comprendre et pour essayer de changer la réalité extérieure, dans l’espoir que nous puissions enfin vivre en paix.
En agissant de la sorte, nous nous empêchons d’accorder notre attention à ce qui se passe dans notre réalité intérieure. Celle-ci passe au second plan, complètement ignorée puisque nous dévions l’attention à l’extérieur. Pour que nous puissions vivre en paix, il faudrait que le monde extérieur ne nous expose plus jamais à un tel comportement. Il faudrait que tout se passe conformément à notre volonté et à nos besoins. Comme cela n’est évidemment pas possible, nous nous condamnons à revivre tôt ou tard pareille réaction.
Si nous voulons cesser de conférer au monde extérieur le pouvoir de nous faire réagir comme une vulgaire marionnette dont les ficelles sont tirées par nos conditionnements, il convient premièrement de changer d’angle de vue, en faisant passer l’attention de la périphérie vers le centre. En d’autres termes, au lieu de focaliser notre attention sur la problématique extérieure qui a déclenché l’état d’âme désagréable que nous ne souhaitons pas vivre, nous accordons toute notre attention à cette réaction, en laissant temporairement de côté la problématique extérieure. Au lieu de réagir à partir de notre état émotionnel désagréable, nous lui consacrons toute notre attention. De cette manière, nous lâchons prise par rapport au monde extérieur. Nous nous occupons du cœur du problème, qui est notre réaction conditionnée.
Si nous refusons de lâcher prise, non seulement nous nous empêchons de libérer ce conditionnement, en nous condamnant à le revivre encore et encore (en le renforçant à chaque fois davantage…), mais nous risquons également d’aggraver la situation à l’extérieur, avec toutes les conséquences fâcheuses que cela peut impliquer, tant pour notre vie que celle des autres.
Au travers de cet exemple, nous comprenons que le lâcher-prise est d’une simplicité enfantine. Quoi de plus simple en effet que de concentrer son attention à l’intérieur du corps pour ressentir ce qui s’y passe ? Toutefois, si c’est si simple, alors pourquoi avons-nous tant de difficulté à vivre le lâcher-prise en pratique ?
Cette difficulté provient de la puissance de nos conditionnements, qui parviennent à nous sortir de nous-mêmes avec d’autant plus de facilité qu’ils ont été souvent utilisés par le passé, et qu’ils sont associés à de profondes blessures psychiques. Il suffit alors qu’un stimulus extérieur entre en résonance avec l’une de ces blessures pour que le mécanisme de défense, autrement dit le réflexe conditionné, se déclenche. À défaut de vigilance, nous nous laissons alors « hypnotiser » par ce conditionnement, qui nous déconnecte de notre réalité intérieure. Même si nous sommes conscients de notre état émotionnel et que nous en ressentons l’inconfort, nous restons captivés par l’élément déclencheur et par le moyen de défendre notre ego. En conséquence de cette réaction, nous ne sommes pas totalement présents à notre réalité intérieure.
Nous « manquons la cible ».
Il n’est toutefois pas nécessaire d’être confronté à un stimulus extérieur pour être emporté par nos schémas conditionnés. En l’absence de tout problème extérieur, nous pouvons créer mentalement les stimuli négatifs qui vont déclencher la réaction. Le subconscient ne faisant pas la différence entre un stimulus créé mentalement et un stimulus provenant de la réalité extérieure, la réaction sera la même dans les deux cas. Nous pouvons par exemple nous remémorer un incident passé ou nous faire du souci par rapport au futur. Cette identification mentale nous place dans un état de stress (peur), de culpabilité, de tristesse ou de colère, et en conséquence des sensations désagréables vécues dans le corps.
En réaction à ces sensations, le réflexe conditionné s’enclenche et nous passons en mode « pilotage automatique ». Dans ces cas-là, il n’est pas rare que nous soyons tentés par la recherche de stimulations sensorielles pour étouffer le mal-être en arrière-plan. Notre attention est alors captivée par cette recherche et là aussi, nous perdons de vue notre réalité intérieure. Nous retrouvons ici tous les comportements névrotiques, les obsessions et les dépendances.
Comment lâcher prise concrètement ?
Au travers des deux exemples utilisés ci-dessus, nous comprenons que notre réaction n’est en fin de compte qu’un réflexe conditionné mis en place pour étouffer un état émotionnel désagréable.
En effet, il y a clairement un lien de causalité entre l’état émotionnel et la réaction conditionnée dont nous sommes l’esclave. Or, si l’on parvient à supprimer la cause, l’effet s’annule de lui-même. Autrement dit, il est possible d’inhiber le réflexe conditionné en pacifiant l’état émotionnel qui en est la cause. C’est là précisément le but du lâcher-prise : éviter la réaction conditionnée pour être libre d’agir avec sagesse, conformément à nos aspirations profondes.
Qu’on ne s’y trompe pas, un effort et une volonté sont nécessaires pour vivre le lâcher-prise. En effet, sans effort ni volonté, on se laisse tout simplement emporter par la réaction conditionnée, la soumission totale à cette force destructrice. Toutefois, l’effort et la volonté dont il s’agit ne se situent pas au niveau mental. En effet, le lâcher-prise n’a rien à voir avec le fait de s’auto-persuader à l’aide de formules apprises par cœur, avec la récitation de mantras ou avec l’invocation de puissances supérieures. Le lâcher-prise n’est en rien un processus mental !
La volonté de lâcher prise et l’effort qui permet de le vivre, se situent dans un simple changement de regard. Comme nous l’avons dit plus haut, c’est un changement d’angle de vue, par lequel nous nous désidentifions mentalement de la réaction conditionnée, en recentrant toute notre attention sur les sensations qui en sont le reflet dans le corps. Il n’y a rien à faire extérieurement, car tout se joue à l’intérieur de soi-même.
Nous pourrions parler d’une « action de présence » également. Pour utiliser une expression désormais très à la mode, c’est une « pleine conscience » focalisée sur les vibrations qui traduisent corporellement le conditionnement qui a été réactualisé par le stimulus créé mentalement ou issu de la réalité extérieure.
En termes religieux, on parlerait de repentance, de conversion ou même de soumission à la Volonté divine.
En termes alchimiques, on parlerait de « rectification ».
En termes mystiques, on parlerait de contemplation du vivant dans toute sa nudité, dans toute sa vérité.
En développement personnel, on parlerait de « maîtrise de soi ».
Toutes ces expressions sont synonymes : elles traduisent cette capacité à aligner l’esprit individuel sur la réalité de l’ici et maintenant, en le désenchaînant des fausses identifications qui le font réagir sur la base d’influences que nous pourrions qualifier de « diaboliques », au sens étymologique de l’expression, dans la mesure où elles se « jettent au travers » de l’esprit et du vivant, et en rompent l’unité, l’équilibre, et donc l’harmonie. Ce sont ces influences conditionnées, formées de fausses croyances et d’impulsions magnétiques d’attraction et de répulsion, qui nous font « manquer la cible ».
En ce sens, l’acte de lâcher prise, tout intérieur, est un réalignement par lequel nous revenons sur le droit chemin, celui du juste milieu. Renoncer à la tentation est un véritable sevrage de nos mauvais penchants qui, bien que difficile à cause de leur force d’inertie, n’est jamais impossible.
Pour que le lâcher-prise puisse porter ses fruits, c’est-à-dire nous libérer de nos réactions conditionnées, il convient donc d’accueillir inconditionnellement les sensations corporelles que ces réactions sont censées anesthésier, étouffer, occulter. Cela implique d’accorder à ces sensations une attention neutre, constante, c’est-à-dire dépourvue de toute pensée. La neutralité dont il s’agit n’est toutefois ni insipide ni froide. C’est une douce lumière qui apporte chaleur et réconfort. C’est cette faculté de l’esprit qui aime inconditionnellement « ce qui est », quelle que soit sa nature, qui est dès lors acceptée sans volonté qu’elle soit différente de ce qu’elle est.
C’est l’image symbolique du rayon du soleil qui projette sa lumière tant sur le Saint que sur le criminel. La lumière ne fait aucune discrimination entre les deux. Il en va de même pour nos états intérieurs désagréables, qui sont accueillis, écoutés, aimés de la même manière que les états agréables. Ce rayon solaire passe à travers notre esprit lorsque nous nous abandonnons à la réalité de nos états d’âme. Il s’agit d’une véritable ouverture par laquelle la Lumière peut descendre en nous et éclairer le vivant. Si ce dernier est en souffrance, dans l’ombre, alors cette ouverture lui apportera la lumière qui lui fait défaut, et en la réfléchissant, il redeviendra lui-même lumineux. Telle est la transmutation alchimique que le lâcher-prise véritable nous permet de réaliser en nous-mêmes.
Voici quelques points importants à considérer pour réaliser le lâcher-prise dans les meilleures conditions :
Une fois réactivé émotionnellement, il convient de se retirer dans un endroit calme afin de se soustraire de l’exposition aux stimuli déclencheurs. Si ces derniers proviennent d’une ou plusieurs personnes, il peut être utile de leur expliquer brièvement, et sans justification, que nous avons besoin de nous isoler quelques instants pour retrouver l’équilibre, à partir duquel nous pourrons ensuite revenir vers elles pour poursuivre la communication sur de meilleures bases.
Pendant l’acte intérieur du lâcher-prise, il convient de ne plus penser du tout à la situation problématique, afin de pouvoir se concentrer pleinement sur les sensations. La transmutation alchimique de ces dernières ne peut avoir lieu qu’à condition que nous leur accordions une pleine conscience, sans aucune autre volonté que de les aimer telles qu’elles sont.
Cela implique également de ne rien visualiser et de ne rien réciter mentalement (ni lumière, ni mantras, ni prière, etc.). Le mental n’est d’aucune utilité pour le lâcher-prise.
Toutefois, si cela aide, certaines expressions peuvent accompagner l’accueil bienveillant des sensations. Par exemple : « soyez bénies », « soyez aimées », « soyez pardonnées ». Des expressions telles que « Désolé, Pardon, Merci, Je T'aime » peuvent également être utilisées, pour autant qu’elles ne soient pas prononcées dans l’espoir que les sensations disparaissent.
En effet, cet espoir équivaudrait à un désir d’échapper à la souffrance, donc à un refus de celle-ci. Or, pour que la transmutation soit possible, le lâcher-prise doit être inconditionnel. Il doit être bien clair que les expressions utilisées ne doivent pas se substituer au ressenti des sensations, mais bien l’accompagner. Les sensations ne doivent pas être orientées par l’esprit. Celui-ci se contente de les accompagner dans leur mouvement à l’intérieur du corps.
Le vivant possède sa propre intelligence, et il sait exactement comment vivre sa transmutation du moment où l’esprit se contente d’être « activement passif », par son observation bienveillante. Lorsque les sensations ne sont pas clairement localisables dans le corps, cela ne veut toutefois pas dire qu’il n’y en a pas, car toute pensée, sans exception, se reflète dans le corps sous la forme de certains phénomènes vibratoires, sensoriels. La sensation se manifestera peut-être sous la forme d’une impression de « flou », d’être dans un brouillard. Le cas échéant, c’est cette impression qu’il convient de ressentir avec équanimité.
L’accompagnement des sensations jusqu’à leur complète transmutation peut prendre plusieurs minutes, et la rapidité de cette transmutation dépendra bien évidemment de la capacité à maintenir sur elles une attention pure. Cela dit, ce n’est pas une course contre la montre, évidemment. Nous prenons le temps qu’il faut, en considérant que dans l’état de pleine conscience, la notion de temps s’efface devant le présent sur lequel nous nous alignons. Ensuite, lorsque nous nous sentons en paix, nous pouvons estimer que le processus de transmutation est arrivé à son terme. Pour en être bien certains, nous pouvons faire un test en repensant à la situation. Si nous sommes de nouveau réactivés, cela signifie que la transmutation n’a pas été totale, et il convient alors de recommencer le processus du lâcher-prise.
Le lâcher-prise est un acte de foi. Pour être en mesure de le vivre dans les meilleures conditions, il faut non seulement avoir une totale confiance en les capacités de transmutation du vivant, mais aussi, et surtout, une grande détermination à vivre spirituellement, avec toute l’humilité que cela présuppose également (aussi dans le fait de s’autoriser à s’aimer, à être doux et patient avec soi-même, à se sentir digne de se donner, etc.). Le lâcher-prise ne peut être vécu sans le renoncement au désir très fort de ne pas perdre la face devant l’autre, ce qui est généralement très mal vu par notre ego, qui déteste l’idée de donner à l’autre l’impression qu’il a pris l’ascendant psychologique sur soi-même. Mais comme le dit l’expression populaire, à juste titre : « c’est toujours le plus intelligent qui cède en premier ! ». L’intelligence dont il est question ici, est celle du cœur, bien évidemment.
Lâcher prise dans les conditions qui sont présentées ici n’est pas chose facile, car nous n’avons pas été habitués à nous placer dans ce positionnement intérieur qui est la pleine conscience accordant, avec bienveillance, sa lumière au vivant.
Dès notre plus jeune âge, nous avons au contraire été formatés pour réagir en ayant recours à tout un arsenal de stratégies de communication qui, comme nous l’avons expliqué, nous maintiennent dans le mental et nous déconnectent par conséquent du vivant. Il convient donc d’entraîner cette capacité à lâcher prise en revenant aussi souvent que possible au ressenti des sensations dans le corps. Il s’agit bien d’un réapprentissage, oui, car cela était tout naturel pour nous dans notre prime enfance.
Cet entraînement est long et laborieux, car nombreuses sont les résistances intérieures qui tentent de nous dévier de cet axe lumineux sur lequel nous sommes alignés lorsque nous accordons notre présence bienveillante à ce qui se passe dans notre réalité intérieure. L’important n’est toutefois pas de réussir le lâcher-prise à la perfection, mais de faire de notre mieux pour le vivre le plus parfaitement possible, en nous relevant courageusement à chaque fois que nous chutons. La détermination et la constance dans l’effort sont ici absolument nécessaires si nous souhaitons pouvoir recouvrer la capacité de lâcher prise qui fut la nôtre dans les premières années de notre vie.
Pour conclure, il importe encore de préciser que lâcher prise ne veut pas dire que nous nous défaussons et que nous devenons passifs face aux injustices du monde extérieur. Cela ne signifie pas non plus que nous renonçons à faire valoir nos opinions et à satisfaire nos besoins fondamentaux, ou que nous nous laissons marcher sur les pieds. Absolument pas ! Le lâcher-prise nous permet de nous libérer des schémas conditionnés qui nous empêchent d’agir en étant alignés sur l’élan de vie de notre âme. Après avoir vécu le lâcher-prise, nous pouvons sentir cet élan de l’âme régénérée, qui se manifeste par l’impulsion de résoudre les problèmes à partir d’un autre état d’esprit, et non plus du réflexe conditionné de l’ego dysfonctionnel.
Et c’est cela qui fait toute la différence : après avoir lâché prise, nous agissons là où auparavant nous réagissions. Il est facile de comprendre que la nature des conséquences de nos actions, qu’il s’agisse de pensées, de paroles ou de gestes, dépend de la nature de notre état d’esprit. Plus nous sommes en harmonie et en équilibre à l’intérieur, plus les conséquences de nos actions sont harmonieuses et équilibrées. C’est en cela que réside notre pouvoir sur la réalité extérieure.
Le monde des causes est à l’intérieur, et celui des conséquences est à l’extérieur. N’inversons pas les choses en laissant le monde extérieur influencer notre réalité intérieure. Ne transférons pas notre pouvoir au monde extérieur. Le lâcher-prise est la clé qui ouvre la porte à l’expression du pouvoir créateur de notre âme.
François LOVO
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